dimanche, décembre 31, 2006

N°81 - journal de l'Afghanistan Special dossier - 31-12

Sommaire :
1 Médias
1-1 Silvia Cattori interviewe Daniele Ganser : La stratégie de la tension et l’Otan = Le mensonge comme instrument de manipulation politique.
2 Brèves
2-1 Ria Novosti : L'administration Bush testera en 2008 une nouvelle 'arme de frappe globale' antiterroriste.
3 Dossier & Point de vue
3-1 point de vue de Voltairenet : Odeurs de pétrole à la Maison-Blanche.
3-2 Point de vue de Ian Hamel : A deux reprises, l’administration US auraient empêché la capture d’Oussama Ben Laden en Afghanistan.
Sur les traces d’Al-Qaïda,
Eric de Lavarène et Emmanuel Razavi : « Ben Laden, les ratés d’une traque »
4 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net
4-1 Un appel : Fermez Guantanamo Nord et Sud !
5-0 Annexes
5-1 Point de vue de Kjell Aleklett : Dick Cheney, le pic pétrolier et le compte à rebours final.
5-2 André Duchesne : L'armée canadienne accapare le quart du budget publicitaire du canada










1 Médias
Ndlr : PS : la publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information .
Marc
1-1 Silvia Cattori interviewe Daniele Ganser : La stratégie de la tension et l’Otan = Le mensonge comme instrument de manipulation politique.
Daniele Ganser, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bâle et président de l’ASPO-Suisse, a publié un livre de référence sur « Les Armées secrètes de l’OTAN ».
Selon lui, les États-Unis ont organisé en Europe de l’Ouest pendant 50 ans des attentats qu’ils ont faussement attribué à la gauche et à l’extrême gauche pour les discréditer aux yeux des électeurs. Cette stratégie perdure aujourd’hui pour susciter la peur de l’islam et justifier des guerres pour le pétrole.
http://www.voltairenet.org:80/article144415.html

Silvia Cattori : Votre ouvrage consacré aux armées secrètes de l’Otan [1], s’attache à expliquer ce que la stratégie de la tension [2] et les False flag terrorism [3] comportent de grands dangers. Il nous enseigne comment l’Otan, durant la Guerre froide -en coordination avec les services de renseignement des pays ouest-européens et le Pentagone- s’est servi d’armées secrètes, a recruté des espions dans les milieux d’extrême droite, et a organisé des actes terroristes que l’on attribuait à l’extrême gauche. En apprenant cela, on peut s’interroger sur ce qui peut se passer aujourd’hui à notre insu.

Daniele Ganser : C’est très important de comprendre ce que la stratégie de la tension représente réellement et comment elle a fonctionné durant cette période. Cela peut nous aider à éclairer le présent et à mieux voir dans quelle mesure elle est toujours en action. Peu de gens savent ce que cette expression stratégie de la tension veut dire. C’est très important d’en parler, de l’expliquer. C’est une tactique qui consiste à commettre soi-même des attentats criminels et à les attribuer à quelqu’un d’autre. Par le terme tension on se réfère à la tension émotionnelle, à ce qui crée un sentiment de peur. Par le terme stratégie, on se réfère à ce qui alimente la peur des gens vis-à-vis d’un groupe déterminé. Ces structures secrètes de l’Otan avaient été équipées, financées et entraînées par la CIA, en coordination avec le MI6 (les services secrets britanniques), pour combattre les forces armées de l’Union Soviétique en cas de guerre, mais aussi, selon les informations dont nous disposons aujourd’hui, pour commettre des attentats terroristes dans divers pays [4]. C’est ainsi que, dès les années 70, les services secrets italiens ont utilisé ces armées secrètes pour fomenter des attentats terroristes dans le but de provoquer la peur au sein de la population et, ensuite, d’accuser les communistes d’en être les auteurs. C’était la période où le Parti communiste avait un pouvoir législatif important au Parlement. La stratégie de la tension devait servir à le discréditer, l’affaiblir, pour l’empêcher d’accéder à l’exécutif.

« Nato’s secret armies » de Daniele Ganser
Silvia Cattori : Apprendre ce que cela veut dire est une chose. Mais il reste difficile de croire que nos gouvernements aient pu ainsi laisser l’Otan, les services de renseignement ouest-européens et la CIA agir de façon à menacer la sécurité de leurs propres citoyens !

Daniele Ganser : L’Otan était au cœur de ce réseau clandestin lié à la terreur ; le Clandestine Planning Committee (CPC) et l’Allied Clandestine Committee (ACC) étaient des substructures clandestines de l’Alliance atlantique, qui sont clairement identifiées aujourd’hui. Mais, maintenant que cela est établi, il est toujours difficile de savoir qui faisait quoi. Il n’y a pas de documents pour prouver qui commandait, qui organisait la stratégie de la tension, comment l’Otan, les services de renseignement ouest-européens, la CIA, le MI6, et les terroristes recrutés dans les milieux d’extrême droite, se distribuaient les rôles. La seule certitude que nous avons est qu’il y avait, à l’intérieur de ces structures clandestines, des éléments qui ont utilisé la stratégie de la tension. Les terroristes d’extrême droite ont expliqué dans leurs dépositions que c’était les services secrets et l’Otan qui les avaient soutenus dans cette guerre clandestine. Mais quand on demande des explications à des membres de la CIA ou de l’Otan -ce que j’ai fait pendant plusieurs années- ils se limitent à dire qu’il a peut-être pu y avoir quelques éléments criminels qui ont échappé à leur contrôle.

Silvia Cattori : Ces armées secrètes étaient-elles actives dans tous les pays ouest-européens ?

Daniel Ganser : Par mes recherches, j’ai apporté la preuve que ces armées secrètes existaient, non seulement en Italie, mais dans toute l’Europe de l’Ouest : en France, en Belgique, en Hollande, en Norvège, au Danemark, en Suède, en Finlande, en Turquie, en Espagne, au Portugal, en Autriche, en Suisse, en Grèce, au Luxembourg, en Allemagne. On avait d’abord pensé qu’il y avait une structure de guérilla unique et que, par conséquent, ces armées secrètes avaient toutes participé à la stratégie de la tension, donc à des attentats terroristes. Or, il est important de savoir que ces armées secrètes n’ont pas toutes participé à des attentats. Et de comprendre ce qui les différenciait car elles avaient deux activités distinctes. Ce qui apparaît clairement aujourd’hui est que ces structures clandestines de l’Otan, communément appelées Stay behind [5], étaient conçues, au départ, pour agir comme une guérilla en cas d’occupation de l’Europe de l’Ouest par l’Union soviétique. Les États-Unis disaient que ces réseaux de guérilla étaient nécessaires pour surmonter l’impréparation dans laquelle les pays envahis par l’Allemagne s’étaient alors trouvés.

Nombre de pays qui ont connu l’occupation allemande, comme la Norvège, voulaient tirer les leçons de leur incapacité à résister à l’occupant et se sont dit, qu’en cas de nouvelle occupation, ils devaient être mieux préparés, disposer d’une autre option et pouvoir compter sur une armée secrète dans le cas où l’armée classique serait défaite. Il y avait, à l’intérieur de ces armées secrètes, d’honnêtes gens, des patriotes sincères, qui voulaient uniquement défendre leur pays en cas d’occupation.

Silvia Cattori : Si je comprends bien, ces Stay behind dont l’objectif initial était de se préparer pour le cas d’une invasion soviétique, ont été détournées de ce but pour combattre la gauche. Dès lors, on peine à comprendre pourquoi les partis de gauche n’ont pas enquêté, dénoncé ces dérives plus tôt ?

Daniele Ganser : Si on prend le cas de l’Italie, il apparaît que, chaque fois que le Parti communiste a interpellé le gouvernement pour obtenir des explications sur l’armée secrète qui opérait dans ce pays sous le nom de code Gladio [6], il n’y a jamais eu de réponse sous prétexte de secret d’Etat. Ce n’est qu’en 1990 que Giulio Andreotti [7] a reconnu l’existence de Gladio et ses liens directs avec l’Otan, la CIA et le MI6 [8]. C’est à cette époque aussi que le juge Felice Casson a pu prouver que le véritable auteur de l’attentat de Peteano en 1972, qui avait secoué alors l’Italie, et qui avait été attribué jusque là à des militants d’extrême gauche, était Vincenzo Vinciguerra, apparenté lui à Ordine Nuovo, un groupe d’extrême droite. Vinciguerra a avoué avoir commis l’attentat de Peteano avec l’aide des services secrets italiens. Vinciguerra a également parlé de l’existence de cette armée secrète Gladio. Et il a expliqué que, pendant la Guerre froide, ces attentats clandestins avaient causé la mort de femmes et d’enfants [9]. Il a également affirmé que cette armée secrète contrôlée par l’Otan, avait des ramifications partout en Europe. Quand cette information est sortie, il y a eu une crise politique en Italie, Et c’est grâce aux investigations du juge Felice Casson qu’on a eu connaissance des armées secrètes de l’Otan.

En l’Allemagne, quand les socialistes du SPD ont appris, en 1990, qu’il existait dans leur pays -comme dans tous les autres pays européens- une armée secrète, et que cette structure était liée aux services secrets allemands, ils ont crié au scandale et accusé le parti démocrate-chrétien (CDU). Ce parti a réagi en disant : si vous nous accusez, nous allons dire au public que, vous aussi, avec Willy Brandt, aviez trempé dans cette conspiration. Cela coïncidait avec les premières élections de l’Allemagne réunifiée, que le SPD espérait gagner. Les dirigeants du SPD ont compris que ce n’était pas un bon sujet électoral ; finalement ils ont laissé entendre que ces armées secrètes étaient justifiées.

Au Parlement européen, en novembre 1990, des voix se sont élevées pour dire que l’on ne pouvait pas tolérer l’existence d’armées clandestines, ni laisser sans explication des actes de terreur dont l’origine réelle n’était pas élucidée, qu’il fallait enquêter. Le Parlement européen a donc protesté par écrit auprès de l’Otan et du président George Bush senior. Mais rien n’a été fait.

Ce n’est qu’en Italie, en Suisse et en Belgique, que des enquêtes publiques ont été engagées. Ce sont du reste les trois seuls pays qui ont fait un peu d’ordre dans cette affaire et qui ont publié un rapport sur leurs armées secrètes.

Silvia Cattori : Qu’en est-il aujourd’hui ? Ces armées clandestines seraient-elles toujours actives ? Y aurait-il des structures nationales secrètes qui échappent au contrôle des États ?

Daniele Ganser : Pour un historien, il est difficile de répondre à cette question. On ne dispose pas d’un rapport officiel pays par pays. Dans mes ouvrages, j’analyse des faits que je peux prouver.

En ce qui concerne l’Italie, il y a un rapport qui dit que l’armée secrète Gladio a été supprimée. Sur l’existence de l’armée secrète P 26 en Suisse, il y a également eu un rapport du Parlement, en novembre 1990. Donc, ces armées clandestines, qui avaient stocké des explosifs dans des caches un partout à travers la Suisse, ont été dissoutes.

Mais, dans les autres pays, on n’a rien fait. En France, alors que le président François Mitterrand avait affirmé que tout cela appartenait au passé, on a appris par la suite que ces structures secrètes étaient toujours en place quand Giulio Andreotti a laissé entendre que le président français mentait : « Vous dites que les armées secrètes n’existent plus ; or, lors de la réunion secrète de l’automne 1990, vous aussi les Français étiez présents ; ne dites pas que cela n’existe plus ». Mitterrand fut assez fâché avec Andreotti car, après cette révélation, il dut rectifier sa déclaration. Plus tard l’ancien chef des services secrets français, l’amiral Pierre Lacoste, a confirmé que ces armées secrètes existaient aussi en France, et que la France avait eu elle aussi des implications dans des attentats terroristes [10].

Il est donc difficile de dire si tout cela est révolu. Et, même si les structures Gladio ont été dissoutes, on peut très bien en avoir créé de nouvelles tout en continuant de se servir de cette technique de la stratégie de la tension et des False flag.

Silvia Cattori : Peut-on penser que, après l’effondrement de l’URSS, les États-Unis et l’Otan ont continué de développer la stratégie de la tension et les False flag sur d’autres fronts ?

Daniele Ganser : Mes recherches se sont concentrées sur la période de la Guerre froide en Europe. Mais l’on sait qu’il y a eu ailleurs des False flag où la responsabilité des États a été prouvée. Exemple : les attentats, en 1953, en Iran, d’abord attribués à des communistes iraniens. Or, il s’est avéré que la CIA et le MI6 s’étaient servis d’agents provocateurs pour orchestrer le renversement du gouvernement Mohammed Mossadegh, ceci dans le cadre de la guerre pour le contrôle du pétrole. Autre exemple : les attentats, en 1954, en Égypte, que l’on avait d’abord attribués aux musulmans. Il a été prouvé par la suite que, dans ce que l’on a appelé l’affaire Lavon [11], ce sont les agents du Mossad qui en étaient les auteurs. Ici, il s’agissait pour Israël d’obtenir que les troupes britanniques ne quittent pas l’Égypte mais y demeurent, aussi pour assurer la protection d’Israël. Ainsi, nous avons des exemples historiques montrant que la stratégie de la tension et les false flag ont été utilisés par les USA, la Grande Bretagne et Israël. Il nous faut encore poursuivre les recherches dans ces domaines, car, dans leur histoire, d’autres pays ont également utilisé la même stratégie.

Silvia Cattori : Ces structures clandestines de l’Otan, créées après la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion des États-Unis, pour doter les pays européens d’une guérilla capable de résister à une invasion soviétique, n’ont finalement servi qu’à mener des opérations criminelles contre des citoyens européens ? Tout porte à penser que les États-Unis visaient eux tout autre chose !

Daniele Ganser : Vous avez raison de soulever cette question. Les États-Unis étaient intéressés par le contrôle politique. Ce contrôle politique est un élément essentiel de la stratégie de Washington et de Londres. Le général Geraldo Serravalle, chef du Gladio, le réseau italien Stay-behind, en donne un exemple dans son livre. Il raconte qu’il a compris que les États-Unis n’étaient pas intéressés par la préparation de cette guérilla en cas d’invasion soviétique, quand il a vu que, ce qui intéressait les agents de la CIA, qui assistaient aux exercices d’entraînement de l’armée secrète qu’il dirigeait, était de s’assurer que cette armée fonctionne de façon à contrôler les actions des militants communistes. Leur crainte était l’arrivée des communistes au pouvoir dans des pays comme la Grèce, l’Italie, la France. C’est donc à cela que devait servir la stratégie de la tension : à orienter et à influencer la politique de certains pays de l’Europe de l’Ouest.

Silvia Cattori : Vous avez parlé de l’élément émotionnel comme facteur important dans la stratégie de la tension. Donc, la terreur, dont l’origine reste floue, incertaine, la peur qu’elle provoque, sert à manipuler l’opinion. N’assiste-t-on pas aujourd’hui aux mêmes procédés ? Hier, on attisait la peur du communisme, aujourd’hui n’attise-t-on pas la peur de l’islam ?

Daniele Ganser : Oui, il y a un parallèle très net. Lors des préparatifs de guerre contre l’Irak, on a dit que Saddam Hussein possédait des armes biologiques, qu’il y avait un lien entre l’Irak et les attentats du 11 septembre, ou qu’il y avait un lien entre l’Irak et les terroristes d’Al Qaida. Mais tout cela n’était pas vrai. Par ces mensonges, on voulait faire croire au monde que les musulmans voulaient répandre le terrorisme partout, que cette guerre était nécessaire pour combattre la terreur. Or, la vraie raison de la guerre est le contrôle des ressources énergétiques. Du fait de la géologie, les richesses en gaz et en pétrole se concentrent dans les pays musulmans. Celui qui veut se les accaparer, doit se masquer derrière ce genre de manipulations.

On ne peut pas dire qu’il n’y a plus beaucoup de pétrole car le maximum de la production globale – le « peak oil » [12] – va survenir probablement avant 2020 et qu’il faut donc aller prendre le pétrole en Irak, parce que les gens diraient qu’il ne faut pas tuer des enfants pour le pétrole. Et ils ont raison. On ne peut pas leur dire non plus que, dans la Mer Caspienne, il y a des réserves énormes et qu’on veut créer un pipeline vers l’Océan indien mais que, comme on ne peut pas passer par l’Iran au sud, ni passer par la Russie au nord, il faut passer par l’est, le Turkménistan et l’Afghanistan, et donc, il faut contrôler ce pays. C’est pourquoi on qualifie les musulmans de « terroristes ». Ce sont de gros mensonges, mais si l’on répète mille fois que les musulmans sont des « terroristes », les gens finiront par le croire et par se dire que ces guerres antimusulmanes sont utiles ; et par oublier qu’il y a beaucoup de formes de terrorisme, que la violence n’est pas forcement une spécialité musulmane.

Silvia Cattori : En somme, ces structures clandestines ont pu être dissoutes, mais la stratégie de la tension a pu continuer ?

Daniele Ganser : C’est exact. On peut avoir dissout les structures, et en avoir formé de nouvelles. Il est important d’expliquer comment, dans la stratégie de la tension, la tactique et la manipulation fonctionnent. Tout cela n’est pas légal. Mais, pour les États, c’est plus facile de manipuler des gens que de leur dire que l’on cherche à mettre la main sur le pétrole d’autrui. Toutefois, tous les attentats ne découlent pas de la stratégie de la tension. Mais il est difficile de savoir quels sont les attentats manipulés. Même ceux qui savent que nombre d’attentats sont manipulés par des Etats pour discréditer un ennemi politique, peuvent se heurter à un obstacle psychologique. Après chaque attentat, les gens ont peur, sont confus. Il est très difficile de se faire à l’idée que la stratégie de la tension, la stratégie du False flag, est une réalité. Il est plus simple d’accepter la manipulation et de se dire : « Depuis trente ans je me tiens informé et je n’ai jamais entendu parler de ces armées criminelles. Les musulmans nous attaquent, c’est pour cela qu’on les combat ».

Silvia Cattori : Dès 2001, l’Union européenne a instauré des mesures anti-terroristes. Il est apparu ensuite que ces mesures ont permis à la CIA de kidnapper des gens, de les transporter dans des lieux secrets pour les torturer. Les États européens ne sont-ils pas devenus un peu otages de leur soumission aux États-Unis ?

Daniele Ganser : Les États européens ont eu une attitude assez faible à l’égard des États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Après avoir affirmé que les prisons secrètes étaient illégales, ils ont laissé faire. Même chose avec les prisonniers de Guantanamo. Des voix se sont élevées en Europe pour dire : « On ne peut pas priver les prisonniers de la défense d’un avocat ». Quand Madame Angela Merkel a évoqué cette question, les États-Unis ont clairement laissé entendre que l’Allemagne était un peu impliquée en Irak, que ses services secrets avaient contribué à préparer cette guerre, donc qu’ils devaient se taire.

Silvia Cattori : Dans ce contexte, où il y a encore beaucoup de zones d’ombre, quelle sécurité peut apporter l’Otan aux peuples qu’elle est censée protéger si elle permet à des services secrets de manipuler ?

Daniele Ganser : En ce qui concerne les attentats terroristes manipulés par les armées secrètes du réseau Gladio durant la Guerre froide, il est important de pouvoir déterminer avec clarté quelle est l’implication réelle de l’Otan là-dedans, de savoir ce qui s’est réellement passé. S’agissait-il d’actes isolés ou d’actes organisés secrètement par l’Otan ? Jusqu’à ce jour, l’Otan a refusé de parler de la stratégie de la tension et du terrorisme durant la Guerre froide, l’Otan refuse toute question concernant Gladio.

Aujourd’hui, on se sert de l’Otan comme d’une armée offensive, alors que cette organisation n’a pas été créée pour jouer ce rôle. On l’a activée dans ce sens, le 12 septembre 2001, immédiatement après les attentats de New York. Les dirigeants de l’Otan affirment que la raison de leur participation à la guerre contre les Afghans est de combattre le terrorisme. Or, l’Otan risque de perdre cette guerre. Il y aura, alors, une grande crise, des débats. Ce qui permettra alors de savoir si l’Otan mène, comme elle l’affirme, une guerre contre le terrorisme, ou si on se trouve dans une situation analogue à celle que l’on a connue durant la Guerre froide, avec l’armée secrète Gladio, où il y avait un lien avec la terreur. Les années à venir diront si l’Otan a agi en dehors de la mission pour laquelle elle a été fondée : défendre les pays européens et les États-Unis en cas d’invasion soviétique, évènement qui ne s’est jamais produit. L’Otan n’a pas été fondée pour s’emparer du pétrole ou du gaz des pays musulmans.

Silvia Cattori : On pourrait encore comprendre qu’Israël, qui a des intérêts à élargir les conflits dans les pays arabes et musulmans, encourage les États-Unis dans ce sens. Mais on ne voit pas quel peut être l’intérêt des États européens à engager des troupes dans des guerres décidées par le Pentagone, comme en Afghanistan ?

Daniele Ganser : Je pense que l’Europe est confuse. Les États-Unis sont dans une position de force, et les Européens ont tendance à penser que la meilleure chose est de collaborer avec le plus fort. Mais il faudrait réfléchir un peu plus. Les parlementaires européens cèdent facilement à la pression des États-Unis qui réclament toujours davantage de troupes sur tel ou tel front. Plus les pays européens cèdent, plus ils se soumettent, et plus ils vont se trouver confrontés à des problèmes toujours plus grands. En Afghanistan, les Allemands et les Britanniques sont sous le commandement de l’armée américaine. Stratégiquement, ce n’est pas une position intéressante pour ces pays. Maintenant, les États-Unis ont demandé aux Allemands d’engager leurs soldats également au sud de l’Afghanistan, dans les zones où la bataille est la plus rude. Si les Allemands acceptent, ils risquent de se faire massacrer par ces forces afghanes qui refusent la présence de tout occupant. L’Allemagne devrait sérieusement se demander si elle ne devrait pas retirer ses 3000 soldats d’Afghanistan. Mais, pour les Allemands, désobéir aux ordres des États-Unis, dont ils sont un peu les vassaux, c’est un pas difficile à faire.

Silvia Cattori :Que savent les autorités qui nous gouvernent aujourd’hui de la stratégie de la tension ? Peuvent-elles continuer comme cela à laisser des fauteurs de guerres fomenter des coups d’État, kidnapper et torturer des gens sans réagir ? Ont-elles encore les moyens d’empêcher ces activités criminelles ?

Daniele Ganser : Je ne sais pas. Comme historien, j’observe, je prends note. Comme conseiller politique, je dis toujours qu’il ne faut pas céder aux manipulations qui visent à susciter la peur et à faire croire que les « terroristes » sont toujours les musulmans ; je dis qu’il s’agit d’une lutte pour le contrôle des ressources énergétiques ; qu’il faut trouver des moyens pour survivre à la pénurie énergétique sans aller dans le sens de la militarisation. On ne peut pas résoudre les problèmes de cette façon ; on les aggrave.

Silvia Cattori : Quand on observe la diabolisation des Arabes et des musulmans à partir du conflit israélo-palestinien, on se dit que cela n’a rien à voir avec le pétrole.

Daniele Ganser : Oui, dans ce cas oui. Mais, dans la perspective des États-Unis, il s’agit bien d’une lutte pour prendre le contrôle des réserves énergétiques de ce bloc eurasiatique qui se situe dans cette « ellipse stratégique » qui va de l’Azerbaïdjan en passant par le Turkménistan et le Kazakhstan, jusqu’à l’Arabie Saoudite, l’Irak, le Koweït et le Golfe persique. C’est précisément là, dans cette région où se déroule cette prétendue guerre « contre le terrorisme », que se concentrent les plus importantes réserves en pétrole et en gaz. À mon avis, il ne s’agit pas d’autre chose que d’un enjeu géostratégique à l’intérieur duquel l’Union européenne ne peut qu’être perdante. Car, si les États-Unis prennent le contrôle de ces ressources, et que la crise énergétique s’aggrave, ils leur diront : « Vous voulez du gaz, vous voulez du pétrole, très bien, en échange nous on veut ceci et cela ». Les États-Unis ne vont pas donner gratuitement le pétrole et le gaz aux pays européens. Peu de gens savent que le « peak oil », le maximum de la production, a déjà été atteint dans la Mer du Nord et que, par conséquent, la production du pétrole en Europe - la production de la Norvège et de la Grande Bretagne - est en déclin.

Le jour où les gens réaliseront que ces guerres « contre le terrorisme » sont manipulées, et que ces accusations contre les musulmans sont, en partie, de la propagande, ils vont être surpris. Les États européens doivent se réveiller et comprendre enfin comment la stratégie de la tension fonctionne. Et ils doivent aussi apprendre à dire non aux États-Unis. En plus, aux États-Unis aussi, il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas de cette militarisation des relations internationales.

Silvia Cattori : Vous avez aussi fait des recherches sur les attentats du 11 septembre 2001 et vous avez cosigné un livre [13] avec d’autres intellectuels qui se préoccupent des incohérences et des contradictions dans la version officielle de ces évènements ainsi que dans les conclusions de la commission d’enquête mandatée par Monsieur Bush ? Ne craignez-vous pas d’être accusé de « théorie conspirationniste » ?

Daniele Ganser : Mes étudiants et d’autres gens m’ont toujours demandé : si cette « guerre contre le terrorisme » concerne vraiment le pétrole et le gaz, les attentats du 11 septembre n’ont-ils pas aussi été manipulés ? Ou est-ce une coïncidence, que les musulmans d‘Oussama ben Laden aient frappé exactement au moment où les pays occidentaux commençaient à comprendre qu’une crise du pétrole s’annonçait ? J’ai donc commencé à m’intéresser à ce qui avait été écrit sur le 11 septembre et à étudier également le rapport officiel qui a été présenté en juin 2004. Quand on se plonge dans ce sujet, on s’aperçoit d’emblée qu’il y a un grand débat planétaire autour de ce qui s’est réellement passé le 11 septembre 2001. L’information que nous avons n’est pas très précise. Ce qui pose question dans ce rapport de 600 pages est que la troisième tour qui s’est effondrée ce jour là, n’est même pas mentionnée. La commission ne parle que de l’effondrement de deux tours, les « Twin Towers ». Alors qu’il y a une troisième tour, haute de 170 mètres, qui s’est effondrée ; la tour appelée WTC 7. On parle d’un petit incendie dans son cas. J’ai parlé avec des professeurs qui connaissent bien la structure des bâtiments ; ils disent qu’un petit incendie ne peut pas détruire une structure d’une pareille dimension. L’histoire officielle sur le 11 septembre, les conclusions de la commission, ne sont pas crédibles. Cette absence de clarté met les chercheurs dans une situation très difficile. La confusion règne également sur ce qui s’est réellement passé au Pentagone. Sur les photos que nous avons c’est difficile de voir un avion. On ne voit pas comment un avion serait tombé là-dessus.

Silvia Cattori : Le Parlement du Venezuela a demandé aux Etats-Unis d’apporter davantage d’explications pour éclaircir l’origine de ces attentats. Cela ne devrait-il pas être l’exemple à suivre ?

Daniele Ganser : Il y a beaucoup d’incertitudes sur le 11 septembre. Les parlementaires, les universitaires, les citoyens peuvent demander des comptes sur ce qui s’est réellement passé. Je pense qu’il est important de continuer à s’interroger. C’est un évènement que personne ne peut oublier ; chacun se rappelle où il se trouvait à ce moment précis. C’est incroyable que, cinq années plus tard, on ne soit toujours pas arrivé à y voir clair.

Silvia Cattori : On dirait que tout se passe comme si tous les corps constitués ne veulent pas remettre en question la version officielle. Se seraient-ils laissé manipuler par la désinformation organisée par des stratèges de la tension et des False flag ?

Daniele Ganser : On est manipulable si on a peur ; peur de perdre son travail, peur de perdre le respect des gens que l’on aime. On ne peut pas sortir de cette spirale de violence et de terreur si on se laisse gagner par la peur. C’est normal d’avoir peur, mais il faut parler ouvertement de cette peur et des manipulations qui la génèrent. Nul ne peut échapper à leurs conséquences. Cela est d’autant plus grave que les responsables politiques agissent souvent sous l’effet de cette peur. Il faut trouver la force de dire : « Oui j’ai peur de savoir que ces mensonges font souffrir des gens ; oui j’ai peur de penser qu’il n’y a plus beaucoup de pétrole ; oui j’ai peur de penser que ce terrorisme dont on parle est la conséquence de manipulations, mais je ne vais pas me laisser intimider ».

Silvia Cattori : Jusqu’à quel point des pays comme la Suisse participent-ils, en ce moment, de cette stratégie de la tension ?

Daniele Ganser : Je pense qu’il n’y a pas de stratégie de la tension en Suisse. Ce pays ne connait pas d’attentats terroristes. Mais, ce qui est vrai, en Suisse comme ailleurs, est que les politiques qui craignent les États-Unis, leur position de force, ont tendance à se dire : ce sont de bons amis, nous n’avons pas intérêt à nous battre avec eux.

Silvia Cattori : Cette manière de penser et de couvrir les mensonges qui découlent de la stratégie de la tension, ne rend-elle pas tout un chacun complice des crimes qu’elle entraîne ? À commencer par les journalistes et les partis politiques ?

Daniele Ganser : Je pense, personnellement, que tout le monde - journalistes, universitaires, politiciens - doit réfléchir sur les implications de la stratégie de la tension et des False flag. Nous sommes là, il est vrai, en présence de phénomènes qui échappent à tout entendement. C’est pourquoi, chaque fois qu’il y a des attentats terroristes, il faut s’interroger et chercher à comprendre ce que cela recouvre. Ce n’est que le jour où l’on admettra officiellement que les False flag sont une réalité, que l’on pourra établir une liste des False flag qui ont eu lieu dans l’histoire et se mettre d’accord sur ce qu’il faudrait faire.

La recherche de la paix est le thème qui m’intéresse. Il est important d’ouvrir le débat sur la stratégie de la tension et de prendre acte qu’il s’agit d’un phénomène bien réel. Car, aussi longtemps que l’on n’a pas accepté de reconnaître son existence, on ne peut pas agir. C’est pour cela qu’il est important d’expliquer ce que la stratégie de la tension signifie réellement. Et, une fois que l’on a compris, de ne pas se laisser gagner par la peur et la haine contre un groupe. Il faut se dire que ce n’est pas uniquement un pays qui est impliqué là-dedans ; que ce ne sont pas seulement les États-Unis, l’Italie, Israël ou les Iraniens, mais que cela se produit partout, même si certains pays y participent de manière plus intense que d’autres. Il faut comprendre, sans accuser tel pays ou telle personne. La peur et la haine n’aident pas à avancer mais paralysent le débat. Je vois beaucoup d’accusations contre les États-Unis, contre Israël, contre la Grande Bretagne, ou alternativement, contre l’Iran, la Syrie. Mais la recherche sur la paix nous enseigne qu’il ne faut pas se livrer à des accusations basées sur le nationalisme, et qu’il ne faut ni haine ni peur ; que le plus important est d’expliquer. Et cette compréhension sera bénéfique pour nous tous.

Silvia Cattori : Pourquoi votre livre consacré aux armées secrètes de l’Otan, publié en anglais, traduit en italien, en turc, en slovène et bientôt en grec n’est-il pas publié en français ?

Daniele Ganser : Je n’ai pas encore trouvé d’éditeur en France. Si un éditeur est intéressé à publier mon livre c’est bien volontiers que je le verrais traduit en français.
Silvia CattoriJournaliste suisse.
29 décembre 2006
Depuis Zurich (Suisse)
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[1] Nato’s secret Armies : Terrorism in Western Europe par Daniele Gabnser, préface de John Prados. Frank Cass éd., 2005. ISBN 07146850032005
[2] C’est après l’attentat de Piazza Fontana à Milan en 1969 que l’expression stratégie de la tension a été entendue pour la première fois.
[3] False flag operations (opérations faux drapeaux) est l’expression utilisée pour désigner des actions terroristes, menées secrètement par des gouvernements ou des organisations, et que l’on fait apparaître comme ayant été menées par d’autres.
[4] « Stay-behind : les réseaux d’ingérence américains » par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 20 août 2001.
[5] Stay behind (qui veut dire : rester derrière en cas d’invasion soviétique) est le nom donné aux structures clandestines entraînées pour mener une guerre de partisans.
[6] Gladio désigne l’ensemble des armées secrètes européennes qui étaient sous la direction de la CIA.
[7] Président du Conseil des ministres, membre de la démocratie chrétienne.
[8] « Rapport Andreotti sur l’Opération Gladio » document du 26 février 1991, Bibliothèque du Réseau Voltaire.
[9] « 1980 : carnage à Bologne, 85 morts », Réseau Voltaire, 12 mars 2004.
[10] « La France autorise l’action des services US sur son territoire » par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 8 mars 2004.
[11] Affaire Lavon, du nom du ministre de la Défense israélien qui a dû démissionner quand le Mossad a été démasqué comme ayant trempé dans ces actes criminels
[12] Voir : « Odeurs de pétrole à la Maison-Blanche », Réseau Voltaire, 14 décembre 2001. « Les ombres du rapport Cheney » par Arthur Lepic, 30 mars 2004. « Le déplacement du pouvoir pétrolier » par Arthur Lepic, 10 mai 2004. « Dick Cheney, le pic pétrolier et le compte à rebours final » par Kjell Aleklett, 9 mars 2005.« L’adaptation économique à la raréfaction du pétrole » par Thierry Meyssan, 9 juin 2005.
[13] 9/11 American Empire : Intellectual speaks out, sous la direction de David Ray Griffin, Olive Branch Press, 2006

2 Les Brèves
Ndlr : PS : la publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information
Marc
2-1 Ria Novosti : L'administration Bush testera en 2008 une nouvelle 'arme de frappe globale' antiterroriste.
L'administration Bush a programmé pour 2008 des tests d'une nouvelle "arme de frappe globale", le missile de croisière hypersonique X-51 WaveRider, a annoncé dans son numéro de janvier la revue Popular Mechanics. "Le nouveau missile sera sept fois plus rapide que le Tomahawk", affirme le constructeur de la nouvelle arme, Mark J. Lewis, dans une interview accordée au périodique. Réalisé en alliage de nickel et mesurant 3,5 mètres de long, dimension standard pour un missile air-sol, le X-51 serait capable d'évoluer à une vitesse de 6.000 km/h. En cas de succès du projet, les Etats-Unis comptent se doter d'une arme permettant de porter des frappes rapides (en 60 minutes au maximum) et ponctuelles en tout endroit de la planète, ce qui est nécessaire à l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Le périodique rappelle que le 20 août 1998, sur l'ordre du président Bill Clinton, un groupe de navires de l'US Navy qui naviguait alors en mer d'Oman avait tiré plusieurs Tomahawk sur un camp d'Al-Qaida, en Afghanistan, où se trouvait à ce moment Oussama ben Laden. A une vitesse de 880 km/h, les missiles avaient mis deux heures environ pour franchir les 1.760 km qui les séparaient de la cible. Lorsque les Tomahawk avaient atteint le camp terroriste, ben Laden n'y était plus depuis déjà une heure, a expliqué à Popular Mechanics l'ancien coordinateur de la lutte antiterroriste Richard Clark. En cas de succès des tests, le X-51 WaveRider hypersonique serait capable d'atteindre le même objectif dans une situation analogue vingt minutes après le tir, affirme le périodique. 21 décembre 2006.
par Ria Novosti
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=viewArticle&code=NOV20061223&articleId=4249
3 Dossiers
Ndlr : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information
3-1 point de vue de Voltairenet : Odeurs de pétrole à la Maison-Blanche.
Le gouvernement Bush est composé de personnalités issues du monde économique, et singulièrement des multinationales du pétrole. Dick Cheney, l’homme qui planifia la guerre du Golfe et dirigea le premier équipementier pétrolier mondial, préside à la Maison-Blanche un groupe de travail qui a fait de l’approvisionnement énergétique la priorité absolue de la politique extérieure des USA. Qualifié de "société secrète" par le Washington Post, ce groupe a hissé la construction d’un gazoduc reliant le Turkménistan à l’océan Indien au rang d’objectif stratégique justifiant le renversement du régime taliban.
Dès les premiers jours de son arrivée à la Maison-Blanche, George W. Bush a lancé des programmes et procédé à des nominations pour marquer une rupture avec la parenthèse Clinton et une continuité avec son père et prédécesseur, George Bush. En matière de politique intérieure, Petit Bush [1] a lancé son " initiative basée sur la foi " [2]. Pour la politique étrangère, le vice-président, Richard Cheney a mis en place le Groupe de développement de la politique énergétique nationale (NEPD). Sa création a été annoncée le 29 janvier 2001, soit une semaine après l’investiture du nouveau président. En mai, il a rendu un rapport intitulé Une énergie fiable, peu coûteuse et respectueuse de l’environnement pour l’Amérique du futur [3]. Mais les activités exactes de ce groupe restent mystérieuses. Ses réunions sont ultra-sécurisées et aucune minute des débats n’est fixée par écrit, de sorte que le Washington Post a pu le décrire comme " une sorte de société secrète " [4].
D’une manière générale, le gouvernement Bush est l’émanation d’un groupe de multinationales, dont chaque ministre important est issu. Plus précisément, ce gouvernement reflète prioritairement les intérêts particuliers du lobby pétrolier. Le président Bush lui-même a fait fortune en obtenant l’exclusivité de l’exploitation du pétrole du Bahrein pour la compagnie Harken Energy Corporation qu’il dirigeait, et dont Khaled Ben Mahfouz et Salem Ben Laden étaient les principaux actionnaires [5]. Robert Cheney est l’ancien patron d’Halliburton [6], le principal équipementier pétrolier au monde. Condoleezza Rice [7], la conseillère nationale de sécurité, est une ex responsable de Chevron-Texaco [8]. Gale Norton [9], la secrétaire à l’Intérieur, représente les intérêts du pétrolier BP-Amoco [10]. Etc.
La principale recommandation du NEPD est de faire de la sécurité de l’approvisionnement en énergie la priorité absolue de la politique étrangère et commerciale américaine. Il n’est donc plus possible aujourd’hui d’analyser la politique extérieure des États-Unis sans l’interpréter en fonction de cet impératif. Or, le nouvel Eldorado de l’or noir, ce sont les gisements de la mer Caspienne. Pour les exploiter en contournant à la fois l’Iran et la Russie, l’administration Bush a décidé prioritairement de conduire à son terme la construction du pipe-line BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), qui relie la Caspienne à la Méditerranée, en traversant l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie. En marge de cette stratégie, Chevron-Texaco a achevé le 27 novembre 2001 la construction du pipe-line Tengiz-Novorossisysk, qui permet d’acheminer le pétrole du Kazakhstan vers la mer Noire, malheureusement en traversant la Russie.
L’étape suivante consistera à acheminer le gaz du Turkmenistan vers l’océan Indien en traversant l’Afghanistan et le Pakistan. Il serait fort intéressant de connaître les travaux du NEPD à ce sujet. Mais le vice-président Cheney refuse obstinément de les transmettre au General Accounting Office (GAO), l’organisme qui recherche la documentation et conduit les enquêtes pour le compte du Congrès. Suite aux événements du 11 septembre, le GAO a provisoirement renoncé à se les procurer : toute vérité n’est pas bonne à dire [11].
[1] Les États-Uniens distinguent Little Bush (petit Bush) et Bush the elder (Bush l’aîné). L’usage du qualificatif junior est réservé aux fils portant les mêmes prénoms que leur père, ce qui n’est pas le cas d’espèce.
[2] Cf. Pour George W. Bush, la foi tient lieu de politique, in Note d’information du Réseau Voltaire n° 227-228.
[3] Reliable, Affordable and Environmental Sound Energy for America’s Future, report of the National Energy Policy Development Group http://www.whitehouse.gov/energy/Na... (Pdf : 3000 Ko).
[4] Energy Task Force Works in Secret by Dana Milbank et Eric Pianin, in Washington Post du 16 avril 2001.
[5] Cf. À qui profite le crime ? Les liens financiers occultes des Bush et des Ben Laden, in Note d’information du Réseau Voltaire n° 237.
[6] http://www.halliburton.com Avec 12,5 milliards d’euros de CA, Halliburton est le premier équipementier pétrolier mondial devant Schlumberger (10 milliards d’euros de CA).
[7] Cf. Critics Knock Naming Oil Tanker Condoleezza, by Carla Marinucci, in San Francisco Chronicle du 5 avril 2001.
[8] Mme Rice était administratice et actionnaire de Chevron jusqu’à sa nomination au Conseil national de sécurité. Chevron est la nouvelle dénomination de la firme fondée par John D. Rockefeller, Standard Oil of California dite Esso Standard. Chevron et Texaco ont fusionné, le 9 octobre 2001, http://www.ChevronTexaco.com . Avec 124 milliards d’euros de CA, la nouvelle société est la seconde multinationale US derrière Exxon-Mobil (242 milliards d’euros de CA).
[9] Gale Norton a également représenté les intérêts de Delta Oil lorsque la firme était engagée avec Unocal pour construire un pipe-line à travers l’Afghanistan.
[10] BP (British Petroleum)-Amoco est le troisième groupe pétrolier mondial avec un CA de 157 milliards d’euros http://www.bp.com . BP-Amoco a fusionné certains de ses services en Europe avec Mobil.
[11] Cf. Communiqué du 28 septembre 2001
http://www.gao.gov/press/92801stmt.pdf
3-2 Point de vue de Ian Hamel : A deux reprises, l’administration US auraient empêché la capture d’Oussama Ben Laden en Afghanistan.
Ils racontent qu’à deux reprises, en 2003 et 2004, des soldats français en poste en Afghanistan ont eu la possibilité d’intercepter le chef d’Al-Qaïda, et même de l’abattre. Chaque fois, les Américains les en ont empêché. Ces révélations rejoignent celles de deux Américains membres des Forces spéciales, dont l’ouvrage en français, Sur les traces d’Al-Qaïda, paru fin 2004, est curieusement passé inaperçu.
Sur les traces d’Al-Qaïda,
Fin 2003, dans le Sud de l’Afghanistan, près de la frontière pakistanaise, des soldats français du Commandement des opérations spéciales (COS) repèrent un petit groupe de combattants ennemis grâce à leurs jumelles de visée nocturne. Et parmi eux, Oussama Ben Laden. L’homme le plus recherché de la planète est à moins de 400 mètres. Il ne se doute de rien, c’est la nuit, le commando tricolore est enterré.
Un soldat tient le géant saoudien (il mesure plus d’1,90 m) dans son viseur. «J’ai Ben Laden», lâche même le militaire. Seulement voilà, en Afghanistan, les Français sont sous les ordres des Etats-Unis. Depuis l’état-major américain de Bagrham, le COS reçoit, au bout d’un très long moment, l’ordre de laisser partir le fondateur d’Al-Qaïda…
Quelques mois plus tard en 2004, le même scénario se reproduit. Y a-t-il eu par deux fois des ratés dans la chaîne de commandement ? Ou faut-il émettre une hypothèse plus invraisemblable : malgré toutes les déclarations de Georges Bush depuis le 11 septembre 2001, l’Amérique ne souhaite pas capturer l’ennemi public numéro 1.
«Les militaires français ont eu 9 morts en Afghanistan. Profondément choqués par l’attitude des Américains, ils ont commencé à nous parler. Nous avons enregistré leurs déclarations», raconte Emmanuel Razavi, de l’agence Hamsa Press, installée à Dijon, l’un des auteurs du reportage télévisé.
Avec Eric de Lavarène, correspondant de plusieurs médias francophones en Afghanistan et au Pakistan (Libération, France Info), ils ont réalisé un reportage de 52 minutes, intitulé «Ben Laden, les ratés d’une traque», qui sera diffusé en janvier prochain sur une chaîne francophone, peut-être Arte. La télévision suisse est également intéressée. Le film ne spécule pas sur les motifs de l’état-major américain, il ne se livre pas à de la politique-fiction. Non, il se contente de raconter, de tendre le micro à de nombreux acteurs en Afghanistan et au Pakistan.
Les multiples révélations, que ce soit du représentant de la Banque mondiale à Kaboul, d’un conseiller du président Hamid Karzaï, ou de Haji Zaher, général de la police afghane, laissent pour le moins songeur.
On y apprend qu’à Tora Bora, loin de vouloir capturer Oussama Ben Laden, on lui aurait tranquillement permis de s’enfuir … avec 70 de ses hommes. «On lui a laissé la voie libre», raconte l’un des trois commandants afghans présents à Tora Bora. Aujourd’hui, lorsque les Américains livrent des armes à l’armée nationale afghane, dans le même temps, ils offrent la même quantité de munitions aux… Talibans.
«L’administration américaine ne souhaite pas arrêter Ben Laden», déclare distinctement un proche du Président afghan. A quel incroyable jeu de dupes assistons-nous ? «Non seulement les Talibans peuvent à présent compter sur 15 à 20 000 combattants, et contrôlent, de fait, plusieurs provinces, mais Al-Qaïda est revenu en Afghanistan. C’est cette organisation terroriste qui se livre à des attentats-suicides. Attentats qui n’existaient pas jusqu’alors dans ce pays», constate Emmanuel Razavi. Ben Laden, les ratés d’une traque corrobore parfaitement le livre écrit par deux militaires américains membres des Forces spéciales, Alan H. et Adam R. «Alors que la CIA avait un satellite positionné au-dessus de la tête du mollah Omar et des bidules qui permettaient de mesurer le moindre poil de sa barbe, aucune des armées de la coalition ne voulait lui courir après, c’était incroyable», racontent-ils dans le livre Sur les traces d’Al-Qaïda, paru fin 2004 en France.
Les deux soldats, qui n’ont pu dénicher d’éditeurs aux Etats-Unis, racontent avec force et détails les invraisemblables «cafouillages» de l’armée américaine. Ainsi, lorsque les Forces spéciales parviennent à capturer le numéro 1 militaire des Talibans, Mullah Akhtar Osmani, quinze jours plus tard, le prisonnier réussit à s’enfuir.
Quand ces militaires d’élite découvrent où se terre le mollah Omar, leurs supérieurs répondent que ce n’est pas le moment, qu’il n’y a pas d’hélicoptère disponible, ou pas de carburant… «Pénurie d’hélicoptères», me répondit-on. Or la base aérienne était couverte d’hélicoptères Chinook CH-47, MH-53J Pave Low III dernier cri, et autres. «Les équipages d’hélicoptères avec lesquels je discutai me confirmèrent que leurs engins fonctionnaient bien, et qu’eux aussi attendaient qu’il y ait un peu d’action», raconte l’un des membres des Forces spéciales américaines en Afghanistan. Le livre se termine ainsi : «Nous sommes tous coupables, nous qui restons avachis devant la télé à gober les sornettes que nous racontent nos dirigeants.» Sources La Nouvelle République

Des soldats français ont eu Ben Laden en ligne de mire : J'ai eu Ben Laden dans mon viseur
# Un documentaire réalisé par deux Français affirme que les troupes spéciales françaises auraient pu tuer le chef d'al-Qaïda en Afghanistan. # Elles en auraient été empêchées par le commandement américain.

Eric de Lavarène et Emmanuel Razavi : « Ben Laden, les ratés d’une traque »
« Ben Laden, les ratés d’une traque » : le documentaire d’Eric de Lavarène et Emmanuel Razavi devrait être visible prochainement sur la télévision française. En attendant sa diffusion, il fait déjà scandale… En effet il affirme que quatre soldats français membres des forces spéciales dépêchées en Afghanistan et mises sous les ordres de l’armée américaine auraient tenu en joue le leader charismatique d’Al Qaïda, Oussama Ben Laden. Ces militaires témoignent de manière anonyme dans le reportage, et précisent avoir été deux fois en position d’abattre le terroriste, d’abord dans le Sud du pays en 2003, puis à l’Est en 2004. Ils disent avoir informé leurs supérieurs américains de leur situation ; ceux-ci ne leur auraient pas donné l’ordre de tirer, malgré la volonté du président Bush affichée dans les médias de supprimer la tête d’Al Qaïda. L’armée française nie cette histoire selon elle inventée de toutes pièces : ses troupes auraient été capables de localiser Ben Laden, mais bien loin d’être en mesure de l’appréhender.
Le ministère de la Défense dément.
Le documentaire n'a été vu que lors de projections limitées. Ses auteurs restent discrets sur la chaîne qui devrait bientôt le diffuser : ils évoquent simplement une "chaîne généraliste", le service de presse des armées citant pour sa part M6. Mais "Ben Laden, les ratés d'une traque" suscite déjà des remous. A tel point que le ministère français de la Défense a pris la peine d'apporter un démenti formel.
Les auteurs du documentaire, Eric de Lavarène et Emmanuel Razavi, affirment que des soldats français ont tenu en joue, sans tirer, le chef d'al-Qaïda par deux fois, en 2003 et 2004 en Afghanistan. La France avait en effet déployé, à partir de juillet 2003, 220 membres de ses Forces spéciales dans ce pays, d'abord dans le sud, puis l'est. Ces forces doivent se retirer courant janvier dans le cadre d'une "réorganisation générale" du dispositif militaire français dans ce pays.
"De la pure affabulation"
Eric de Lavarène et Emmanuel Razavi assurent aussi que si les soldats français n'ont pas abattu le chef d'al-Qaïda, c'est parce qu'aucun ordre de le tuer n'est venu de leurs supérieurs américains les supervisant. Affirmations qui s'appuient sur les témoignages de quatre membres des forces spéciales françaises. La voix racontant comment Ben Laden s'était retrouvé dans leur viseur deux fois à six mois d'intervalle est modifiée pour des raisons d'anonymat.
Le ministère de la Défense proteste vivement. "Quand j'entends les réalisateurs dire que les soldats français ont eu dans leur viseur Ben Laden, c'est de la pure affabulation", affirme-t-il. "Il n'y a aucun fondement de vérité à ce qui est dit". "L'idée que dans une situation de proximité avec l'ennemi les forces spéciales demandent une instruction à la chaîne de commandement qui leur répond non ne correspond pas du tout à la réalité du terrain en Afghanistan", insiste notamment le commandant Christophe Prazuck, de l'état-major des armées.
"Localiser n'est pas arrêter"
Le ministère souligne également qu'à l'époque, il avait été fait état "d'informations permettant de faire des hypothèses de localisation" de Ben Laden. Et rappelle que chef d'état-major de l'époque, le général Henri Bentégeat, avait déclaré en juin 2004, à propos de ces informations, qu'entre "localiser une personne et procéder à l'arrestation d'une personne il y a toujours une marge".
Enfin, une autre question peut se poser : si les Américains avaient donné le feu vert aux soldats français pour tuer Ben Laden, la polémique se serait alors sûrement nouée dans le sens inverse. On aurait en effet sans doute reproché à la France d'être à la botte américaine et d'avoir de fait exécuté le terroriste sans procès.
Sources LCI
Sources Grioo com
Posté par Adriana Evangelizt
4 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net
Ndlr :La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information
4-1 Un appel de :
Campagne pour la fin des procès secrets au Canada,
le Comité Justice pour Mohamed Harkat et la
Coalition Justice pour Adil Charkaoui. : Fermez Guantanamo Nord et Sud !

Arrêtez la détention indéfinie et la déportation vers la torture, du Canada à Cuba.
Appel pour des actions pancanadiennes du 11 au 15 janvier 2007
Le 11 janvier marque les cinq ans d'ouverture officielle de Guantanamo Bay, un centre de détention et de torture dirigé par les États-Unis à Cuba, véritable trou noir légal pour un nombre infini de personnes happées par la «guerre au terrorisme».
Alors que plusieurs ont été libérés (après y avoir passé jusqu'à quatre ans ou plus sans accusations ou sans subir de procès), des centaines d'autres croupissent en détention illégale dans des conditions inhumaines, complètement coupés du monde extérieur.

Le Canada possède son propre Guantanamo Bay, situé au pénitencier de Millhaven, à Kingston.
Ici, trois victimes des certificats de sécurité sont détenues, dont une depuis sept ans, en vertu de preuves secrètes, sans accusations, sous la menace constante d'une déportation vers la torture. Ces trois prisonniers font présentement une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention, dont le fait de se voir refuser l'accès à des traitements médicaux.
Deux autres hommes, également détenus pendant une période de deux à quatre ans, sont «libre» avec des restrictions parmi les sévères que le Canada ait connues pour des cas de liberté conditionnelle.
Ces restrictions limitent la liberté de leur famille tout entière, qui vivent elles aussi sous la menace d'une déportation vers la torture.

Des groupes de défense des droits humains aux États-Unis lancent un appel international à l'action le 11 janvier afin d'exiger la fermeture de l'infâme prison Guantanamo Bay à Cuba.
Nous nous joignons à cet appel, ajoutant notre propre revendication pour la fermeture de Guantanamo Nord, ici même au Canada.
Le 15 janvier correspond à la Journée Martin Luther King, une opportunité de se rappeler l'esprit radical du mouvement pour les droits civiques qui demandaient le respect des droits humains pour tous et toutes.
Nous demandons aux groupes à travers le Canada de choisir la date qui leur convient le mieux entre le 11 et le 15 janvier 2007 afin d'organiser une vigile ou tout autre événement public en appui à la fermeture des Guantanamo Nord et Sud.
Les bureaux de députés, les édifices du gouvernement fédéral, les bureaux du SCRS ou de la GRC ou de l'Agence des services frontaliers du Canada sont tous d'excellents lieux d'expression publique!

Joignez-vous à nous pour exiger que le gouvernement canadien :
1. Ferme immédiatement son «Centre de surveillance de l'immigration de Kingston» (Guantanamo Nord);
2. Relâche immédiatement les détenus des certificats de sécurité ou qu'il leur donne droit à un procès juste et équitable;
3. Arrête toutes les procédures de déportation contre les «cinq procès secrets» (Mahmoud Jaballah, Mohammad Mahjoub, Hassan Almrei, Mohamed Harkat, Adil Charkaoui);
4. Abolisse les certificats de sécurité et les déportations vers la torture; et
5. Condamne immédiatement la prison illégale Guantanamo Bay à Cuba.

Si vous désirez partager vos idées ou aider à préparer un tract, contactez la Campagne pour la fin des procès secrets au Canada au tasc@web.ca ou (416) 651-5800.
Tenez-nous au courant de ce que vous préparer pour que nous puissions coordonner un communiqué de presse national.

5-0 Annexe
Ndlr : La publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs mais doit être vu comme information
5-1 Point de vue de Kjell Aleklett : Dick Cheney, le pic pétrolier et le compte à rebours final.
Dans un discours prononcé en qualité de PDG de l’équipementier pétrolier Halliburton, deux ans avant d’accéder à la vice-présidence des Etats-Unis, Dick Cheney révélait le fond de sa pensée en matière de politique énergétique. Selon lui, malgré la découverte de nouveaux gisements et de nouvelles techniques d’exploitation, la production mondiale de pétrole est sur le point de devenir inférieure à la demande. Dès lors, la conquête des régions pétrolifères du Golfe arabo-persique devient un objectif stratégique des États-Unis. Analysant ces propos, le professeur Kjell Aleklett, de l’université d’Uppsala, précise l’ampleur de la crise énergétique.
Dans l’édition d’avril 2004 du magazine The Middle East j’ai trouvé une déclaration du vice-président Dick Cheney extraite d’un discours au repas d’automne du London Institute of Petroleum en 1999, alors qu’il était président de la société Halliburton. Un passage essentiel de son allocution était « Cela signifie qu’à l’horizon 2010 nous aurons besoin de quelque chose de l’ordre de cinquante millions de barils par jour supplémentaires. »
Cela suggérait qu’il était parfaitement au courant du problème du pic mondial de la production pétrolière. Une transcription complète de la discussion avait été publiée sur le site Internet de l’Institute of Petroleum, mais a depuis été retirée (www.petroleum.co.uk/speeches.htm). Néanmoins, des recherches plus poussées ont permis de retrouver une version imprimée, datée du 24 août 2000, comme suit :
Dick Cheney : « Manifestement, en ce qui concerne l’industrie pétrolière - et je parlerai un peu plus tard du gaz - depuis plus d’une centaine d’années, en tant qu’industrie, nous avons dû nous préoccuper de l’épineux problème du fait que lorsqu’on trouve du pétrole et qu’on l’extrait du sol il faut sans cesse bouger et en trouver davantage, sans quoi on met la clé sous la porte. Produire du pétrole est sans aucun doute une activité qui se vide de son contenu. Chaque année il faut trouver et développer des réserves égales à votre production simplement pour rester à flot, pour rester à l’équilibre. Cela se vérifie autant pour les compagnies que, dans un sens plus large économiquement, pour le monde. Une compagnie nouvellement fusionnée comme Exxon-Mobil devra sécuriser plus d’un milliard et demi de barils de réserves d’équivalent pétrole chaque année, simplement pour remplacer la production existante. C’est comme faire 100 % de profit ; découvrir un autre gisement important de quelques cinq cent millions de barils équivalent de réserves tous les quatre mois ou trouver deux Hibernias [Ndt. Il s’agit d’un gisement d’une capacité d’environ sept cent millions de barils] chaque année. Pour le monde dans son ensemble, les compagnies pétrolières doivent théoriquement continuer à découvrir et développer suffisamment de pétrole pour compenser nos plus de soixante et onze millions de barils quotidiens de diminution de réserves, mais aussi pour répondre à la demande supplémentaire [1]. D’après certaines estimations nous connaîtrons une augmentation moyenne annuelle de 2% de la demande globale dans les années à venir, parallèlement aux 3% de déclin de la production des réserves existantes, selon des chiffres optimistes. Cela signifie qu’en 2010, il nous faudra quelque chose de l’ordre de cinquante millions de barils supplémentaires par jour. Alors d’où viendra ce pétrole ? Les gouvernements et compagnies pétrolières nationales contrôlent visiblement environ 90% des biens. Le pétrole reste fondamentalement une affaire de gouvernement. Si de nombreuses régions du monde offrent des opportunités exceptionnelles dans le domaine du pétrole, le Proche-Orient, avec deux tiers des réserves mondiales de pétrole et des coûts moindres, est l’endroit où à terme se trouve le gros lot, et même si les compagnies sont pressées d’avoir un meilleur accès à la région, les progrès demeurent faibles. [Passages mis en gras par l’auteur] ».
Pour comprendre l’ampleur du problème que Dick Cheney met en lumière, nous pouvons comparer les « cinquante millions de barils par jour » avec la production totale en provenance des six pays bordant le Golfe arabo-persique (Arabie saoudite, Iran, Irak, Émirats arabes unis, Koweït et Qatar), qui en 2001 ont produit 22,4 millions de barils par jour (selon l’Energy Information Administration).
Harry J. Longwell, directeur et vice-président exécutif d’Exxon-Mobil, a ultérieurement confirmé ce chiffre (World Energy, Vol 5, N°3, 2002) : « Le hic, c’est que pendant que la demande augmente, la production existante décline. Pour donner un chiffre, nous estimons qu’environ la moitié du volume quotidien nécessaire pour répondre à la demande projetée n’est pas en production aujourd’hui - voilà le défi auquel sont confrontés les producteurs. »
Jon Thompson, président de la branche exploration d’Exxon-Mobil, a également confirmé le fait que le monde a besoin de ce pétrole supplémentaire. En 2003, il a déclaré aux actionnaires qu’« en d’autres termes, à l’horizon 2015, nous devrons trouver, développer et produire un volume supplémentaire de pétrole et de gaz équivalent à huit barils sur les dix barils produits aujourd’hui. » En 2001, la consommation était de 77,1 millions de barils par jour (Energy Information Administration) ; 80% de cela représente donc plus de 60 millions de barils par jour.
La question suivante consiste à se demander où l’industrie pétrolière peut trouver cette énorme quantité de pétrole supplémentaire. Revenons au discours de Dick Cheney : « Il est vrai que la technologie, la privatisation et l’ouverture de nombreux pays ont suscité beaucoup de nouvelles opportunités dans différentes régions du monde pour les différentes compagnies pétrolières, mais si l’on regarde le début des années 90, on s’attendait à ce qu’une partie significative des nouvelles ressources mondiales provienne de régions comme l’ancienne Union soviétique et la Chine. Bien entendu cela ne s’est pas vraiment concrétisé comme on s’y attendait. »
Puisque la demande en provenance de Chine est décrite comme l’une des raisons de l’augmentation du prix du pétrole brut, le Uppsala Hydrocarbon Depletion Study Group (UHDSG) modélise la production de la Chine comme montré dans le graphique ci-dessous. Malgré les rapports contradictoires, nous pensons que le meilleur chiffre pour les réserves restantes en 2003 était 25,7 milliards de barils [Ndt. Il faut environ 11 jours pour que le monde consomme un milliard de barils.]. Le pic de découvertes se situe en 1960 et 73 % du pétrole découvert était en gisement géant. Les faits suggèrent que la production de la Chine a atteint son pic l’année passée et que son taux de diminution est de 3,7% par an. Avec une demande domestique qui explose, Cheney a raison de ne pas attendre d’exportations en provenance de Chine.
Il n’y a aucun doute sur l’endroit où Dick Cheney pense que le pétrole peut être trouvé : « Si de nombreuses régions du monde offrent des opportunités exceptionnelles dans le domaine du pétrole, le Proche-Orient, avec deux tiers des réserves mondiales de pétrole et des coûts moindres, est l’endroit où à terme se trouve le gros lot… ».
À ce moment Dick Cheney n’avait pas chiffré les attentes concernant la région. Il fut ultérieurement nommé directeur du National Energy Policy Development Group, et un premier chiffre fut donné. Le rapport fut remis au président Bush en mai 2001 et inclut la déclaration suivante de Dick Cheney : « Comme vous nous en avez donné l’instruction lors de l’installation de cette administration, nous avons élaboré une politique énergétique nationale destinée à rassembler les entreprises, le gouvernement, les collectivités locales et les citoyens pour promouvoir une énergie pour l’avenir qui soit fiable, abordable et respectueuse de l’environnement. »
Dans le chapitre 8 du rapport National Energy Policy, un indice est donné sur les véritables chiffres de production attendue en provenance du Proche-Orient :« En 2020, nous projetons que les producteurs du Golfe fourniront entre 54 et 67% du pétrole mondial. Ainsi, l’économie mondiale continuera presque certainement à dépendre de l’approvisionnement des pays membres de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), particulièrement ceux du Golfe. Cette région demeurera vitale pour les intérêts U.S.. ».
En 2001, les pays du Golfe ont produit 29 % du pétrole mondial, et l’Energy Information Administration a désormais établi des projections jusqu’en 2025. La somme des estimations en Figure 2 pour les producteurs du Golfe est de 45 Mb/j (Millions de barils par jour), ce qui implique une augmentation de 100 %. Mahmoud M. Abdul Baqi et Nansen G. Saleri de Saudi Aramco ont donné un séminaire du CSIS, à Washington en février 2004. Ils ont discuté de la capacité de production future de Saudi Aramco et ont indiqué que l’objectif est d’atteindre une capacité de production future de 10 Mb/j. Ils ont ajouté qu’il sera peut-être possible de l’augmenter à 12 millions de barils par jour pour répondre à une augmentation de la demande mondiale, mais cela reste très en-deçà des 22 Mb/j escomptés par Cheney. Même en assumant que le pays a la capacité physique de la faire, il est difficile d’envisager pourquoi Saudi Aramco augmenterait sa production pour atteindre 22 Mb/j et accélérer ainsi l’épuisement de la seule ressource dont dispose le pays.
La figure 4 provient de « Pic et déclin de la production mondiale de pétrole et de gaz », par Aleklett et Campbell dans Minerals & Energy (2003 ; 18 : 5-20). Comme il est montré dans le graphique, nous estimons que le pic de la production de pétrole interviendra aux environs de l’année 2010. L’une des raisons est que nous ne croyons pas que la production des États du Golfe puisse atteindre 45 Mb/j.

Le fameux « Pic de Hubbert » mondial, tel que modélisé par l’ASPO selon la technique d’estimation développée par le géologue Marion King Hubbert dans les années 50. En ce qui concerne le pétrole conventionnel (limite supérieure de la partie orangée), nous sommes actuellement sur un plateau, qui se manifeste par une importante fluctuation des prix liée à l’incertitude de l’offre à venir face à la demande toujours croissante.
En résumé, ces trois étapes, en commençant par le discours de Dick Cheney, nous amènent au pic pétrolier. Dick Cheney : « La fin de l’ère du pétrole n’est pas encore arrivée, mais les changements sont imminents et l’industrie doit être prête à s’adapter au nouveau siècle et aux transformations qui nous attendent. ». L’année 2010 se rapproche et nous y serons bientôt. C’est le compte à rebours final jusqu’au pic pétrolier.
Le pétrole et la guerre
Dick Cheney à Londres en 1999 : « Le pétrole est unique en ce qu’il est tellement stratégique par sa nature même. Il ne s’agit pas ici de savon ou de vêtements de loisir. L’énergie est réellement fondamentale pour l’économie mondiale. La Guerre du Golfe était un reflet de cette réalité. »
Qu’en est-il de la guerre d’Irak ?
Autres déclarations de Dick Cheney lors de son discours à l’Institut du pétrole
Le discours de Dick Cheney est également intéressant par d’autres aspects. D’abord nous y trouvons sa propre opinion sur lui-même : « On me demande souvent pourquoi j’ai quitté la politique et rejoint Halliburton, alors j’explique que j’ai atteint un point où j’étais dans un état d’esprit agressif, irritable et intolérant vis-à-vis de ceux qui n’étaient pas d’accord avec moi, alors ils me disent " Punaise, tu ferais un très bon PDG " ».
Beaucoup sont choqués par le fait que Shell avait manipulé ses chiffres de réserves, mais Cheney comprenait la pression endurée par Shell : « (…) bouger et en trouver davantage ou mettre la clé sous la porte. », ce qui laisse entrevoir l’importance des réserves. Un an avant l’élection présidentielle aux États-Unis, Dick Cheney estimait que l’industrie pétrolière devait avoir davantage de pouvoir à Washington. Aujourd’hui nous connaissons le résultat : « Le pétrole est la seule industrie dont la pouvoir d’action n’a pas été si efficace dans la sphère politique. Le textile, l’électronique et l’agriculture semblent souvent avoir plus d’influence. Nos rangs ne sont pas uniquement constitués de pétroliers de Louisiane ou du Texas, mais aussi de développeurs de logiciels du Massachusetts et particulièrement de producteurs d’acier en Pennsylvanie. Je suis frappé par le fait que cette industrie est si forte techniquement et financièrement, mais pas aussi efficace ou influente politiquement par rapport à des industries souvent plus petites. Nous devons gagner en crédibilité pour faire entendre nos vues. »
BP a connu des difficultés pour remplacer sa production avec de nouvelles réserves, alors à la place elle a acheté des réserves russes. Cheney a également discuté cette approche : « Les compagnies qui éprouvent des difficultés à créer des secteurs fondamentaux par l’exploration se tournent vers des contrats de production par lesquels ils exploitent des réserves déjà connues, mais là où le pays n’a pas le capital ni la technologie pour les développer. Dans les contrats de production, il y a moins de risque, mais avoir affaire aux risques politiques à ciel ouvert, ainsi que les risques commerciaux et environnementaux est un défi de plus en plus important. Ces risques incluent les soulèvements populaires, les voies de transport, les problèmes de syndicalisme, les cadres fiscaux et parfois même les sanctions économiques imposées par les États-Unis. ».
À la fin de ce paragraphe il se plaint de l’existence de « sanctions imposées par les États-Unis ». Est-ce une surprise que les sanctions contre la Lybie aient été levées ?
Le texte complet du discours de Dick Cheney à l’Institute of Petroleum Autumn lunch, en 1999, est un document très important et j’espère que l’Institut du Pétrole le mettra de nouveau à la disposition de tous ceux qui souhaitent le lire. En attendant, une copie est disponible sur demande : aleklett@tsl.uu.se.
Kjell AleklettPrésident de l’Association pour l’étude du pic mondial de la production pétrolière (ASPO, Association for the Study of Peak Oil, http://www.peakoil.net) et professeur de physique nucléaire à l’université d’Uppsala (Suède)
5-2 André Duchesne : L'armée canadienne accapare le quart du budget publicitaire du canada.
Le budget publicitaire de l’armée canadienne pour le recrutement de 15,5 millions cette année constituerait un sommet, après celui de 12 millions de 2001-2002.Au cours des six premiers mois de la présente année financière, Ottawa a consacré le quart de son budget publicitaire à la campagne de recrutement des Forces canadiennes.Du 1er avril au 30 septembre 2006, le Conseil du Trésor a autorisé des dépenses de 61,1 millions pour des campagnes orchestrées par différents ministères et agences; 15,5 millions sont allés aux publicités de recrutement.Ces chiffres démontrent l’importance accordée par Ottawa au renforcement des rangs de l’armée, très engagée dans le conflit afghan. Or, ils font contraste avec un sondage SOM/La Presse/Le Soleil indiquant que 66,3 % des Québécois souhaitent un retrait.
Si la Défense est la grande gagnante du plan de publicité 2006-2007, il y a évidemment des perdants. Ainsi, seulement 2,35 millions ont été consacrés au ministère de l’Environnement (programme d’encouragement à utiliser les transports en commun) et 2 millions ont été accordés pour une campagne de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour la sensibilisation des voyageurs à la biodiversité.En 2005-2006, Ottawa avait versé tout près de 6 millions au ministère des Ressources naturelles pour deux campagnes publicitaires : le Défi une tonne et le Projet vert pour contrer les changements climatiques. Une campagne publicitaire de 6 millions, orchestrée par les Ressources naturelles et portant sur les améliorations en efficacité énergétique, avait aussi été autorisée.Au cours des troisième et quatrième trimestres de 2004-2005, les ministères de l’Environnement, des Ressources naturelles et des Transports avaient reçu 11,5 millions pour la campagne Défi d’une tonne, mise sur pied par l’ancien gouvernement libéral.Doit-on voir là un virage imputable au changement de gouvernement? Le député libéral d’Honoré-Mercier, Pablo Rodriguez, croit que oui. «Les conservateurs ont éliminé les programmes faisant appel à la mobilisation des gens, dit le député, qui est membre du comité de la Chambre des communes sur l’environnement. Par conséquent, ils ont supprimé les publicités associées à ces programmes.»Selon lui, c’est une autre démonstration du peu de sensibilisation des conservateurs à la chose environnementale. «Ils ont aussi fermé des sites Internet et retiré des références à Kyoto», dit M. Rodriguez.Chez les conservateurs, on réplique qu’on préfère les actions aux messages publicitaires. «En environnement, nous préférons agir que parler, réplique Mike Van Soelen, du bureau du Conseil du Trésor. Nous avons récemment annoncé 300 millions pour lutter contre les produits chimiques toxiques et 345 millions en faveur des biocarburants.»En 2004-2005 et 2005-2006, le ministère de la Défense avait reçu 7,7 et 10,1 millions pour le recrutement dans la force régulière et la réserve. Hier, le quotidien Le Droit d’Ottawa rapportait que l’offensive de recrutement de la Défense se poursuivra au cours des prochaines années. Ce ministère devrait consacrer 60 millions sur trois ans à des campagnes de recrutement. Le but est d’enrôler 23 000 nouveaux militaires, soit 13 000 dans la force régulière et 10 000 dans la réserve.Le budget de 15,5 millions de cette année constituerait un sommet, après celui de 12 millions de 2001-2002.
André Duchesne